En avant les Yamakasi (TERMINE)

L’envie de sortir de sa routine, de ce qui lui fait mal, de ce qui l’étouffe, était si forte que Lena s’est dit qu’elle allait se mettre au sport. Sauf qu’elle n’avait pas assez l’esprit d’équipe pour faire un sport collectif, pas assez envie de grâce ou de style pour faire de la danse. Elle avait bien songé aux sports de combat, sauf qu’avant, elle avait envie de tester un truc gratuit. Et elle était tombée sur le parkour. Elle n’en avait parlé à personne, elle savait bien ce qu’ils diraient tous, soit des encouragements niais, soit des moqueries. Alors elle y était allée seule, elle s’était renseignée seule et s’était acheté des protections seule.

Et maintenant qu’elle s’était recouverte d’un casque, de genouillères et de gants, qu’elle avait enfilé un débardeur collé au corps et qu’elle avait lacé ses grosses baskets, elle doutait. Devant le miroir, elle tournait et se retournait, sans vraiment s’admirer. Elle se demandait plutôt si elle n’était pas complètement folle. Avant de se décourager, elle sortit de la maison et courut vers les petites rues.

Elle avait beau avoir du mal avec l’informatique, elle avait réussi à trouver un site qui parlait des meilleurs endroits pour faire du parkour dans la Nouvelle-Orléans. Elle se rendait donc directement dans cette rue étroite, pleine de rebord, de petites statues et surtout, en pente.

Une fois en haut, elle regretta son choix. Quelle putain de mauvaise idée avait-elle eue encore ? Elle inspire, expire. Ferme les yeux. Sans bruit, elle compte jusqu’à trois, rouvre les yeux et saute.

Évidemment, il faut un minimum de préparation et de souplesse, qu’elle n’a pas et elle rate son saut. Pas assez haut. Elle retombe lourdement sur son derrière. Elle ne vérifie même pas qu’on ne l’ait pas vue, elle sait bien que les regards gênés sont les pires. Non, à la place, elle soupire, puis se redresse. Elle va y arriver, un point c’est tout. Et les bleus, bah, personne ne les verra, c’est bon.

Elle retourne au point de départ, recule un petit peu, avise le muret qui ne semble pas si haut pourtant. Elle court, allonge le pas et saute. Trop loin cette fois, elle a mal géré et retombe encore une fois.

Bon, pour l’instant, la distance est faible et c’est sur l’extérieur de la rue qu’elle retombe, il y a un peu d’herbe. La terre étant bien moins dure que le bitume, ça passe. Et elle n’abandonne pas. Elle retourne donc à son point de départ, pour la troisième fois, prête à en découdre avec le muret.

« C’est pas » Le sursaut de Lena est si violent qu'elle manque de tomber au sol. Elle n'avait absolument pas remarqué qu'il y avait quelqu'un qui la regardait. Elle avale sa salive et regarde la nouvelle arrivante. Et direct, Lena est jalouse, parce que tout dans la jeune fille montre de la grâce et de l'agilité. La gamine en face d'elle peut sauter d'un immeuble, elle le sent. Elle inspire et se force à cacher cette colère et cette gêne en elle. Lena a toujours du mal à faire confiance et à avoir envie de parler aux autres. Une ancienne peur du passé peut être ? Qu'importe, ici, tout va bien et Lena doit se calmer.

Elle regarde la jeune fille encore quelques secondes, putain, il faut qu'elle parle ou alors elle va passer pour une gamine totalement cheloue et perdue. « Du coup c'est mieux de les enlever ? » qu'elle bredouille sans sourire en montrant ses protections de la main. Elle n'a pas envie de finir à l'hôpital non plus. C'est qu'elle bosse comme serveuse, donc elle a besoin de ses mains quoi. Sinon au masquarade ils ne vont pas être contents quoi. « Tu en fais toi ? » Elle parle encore un peu, pour lancer la conversation, pour retarder le prochain saut.

Sauf qu'à un moment, il faut se lancer, il faut y aller. Alors, elle inspire et prend son courage à deux mains. Juste avant de sauter - encore une fois pour retarder - elle regarde la jeune fille. « Si tu as des conseils de position, c'est maintenant. » lâche-t-elle avant de foncer.

Ridicule non ? De demander un conseil et de ne pas l'attendre, mais Lena elle sait qu'il faut qu'elle fonce tant qu'elle a encore cette folie d'envie de se dépenser.

Elle saute, touche du pied le muret, sourit d'excitation, mais son deuxième pied ne se réceptionne pas bien et elle tombe. Elle a un réflexe étonnant, mais très bon, elle se penche et rentre la tête pour faire une roulade. En deux secondes, elle est passée de debout et victorieuse, à allongée de tout son être sur l'herbe. Hum, pour la classe, on repassera plus tard.

Elle se relève en s'appuyant sur le sol et soupire. « J'vais y arriver. » affirme-t-elle, décidée.

Elle l'entend d'une oreille, mais le note clairement dans son esprit : le regard est déterminant. D'un côté ça parait logique, mais de l'autre. Elle force son esprit à se voir réussir et son regard se fixe sur le rebord. Seulement, malgré toute sa motivation, ça ne suffit pas.

« T'as appris ça où ? C'est génial, t'as déjà le mouvement de réception ! » Elle se redresse de sa galipette et sourit. « Oh des années de pratiques de galipettes. » lâche-t-il, avec un sourire séducteur, avant d'éclater de rire. « Pardon, on s'connait même pas, c'est p'être un peu tôt. »

Mais bien vite elle cesse de rire et se concentre. Elle a vraiment l'impression de suivre un cours et mieux encore, d'avoir une professeur expérimentée passionnée par le sujet. Lena sourit. Et ses doutes s'envolent, elle comprend enfin pourquoi elle était appelée à faire ce satané parkour, quelqu'un l'attendait. Le destin lui avait préparé une nouvelle rencontre. Et rien pour que ça, Lena se sentait heureuse.

Alors, telle l'élève modèle - qu'elle n'est pas - elle pose des questions. « Et comment on s'entraîne au saut ? Ya des salles ? Sur mon lit ? » Et la voilà qui pose des questions et des tas de questions, on ne va pas l'arrêter. « Et toi, tu as appris comment ? » Elle sourit, véritablement intéressée la gamine. « Et pourquoi tu fais ça ? » Lena sait qu'elle doit apprendre à gérer ses émotions et à se comprendre, les leçons d'Eva sont concrètes et utiles... alors elle avoue. « J'ai eu envie de tester, mais j'ai un peu peur. Ok, j'ai carrément peur. J'suis pas une nana dangereuse normalement, mais j'ai envie de me dépasser. Et de faire du sport toute seule, sauf que je vois bien que je ne peux pas m'en sortir toute seule et... » Elle se tait, elle rosit. « Je parle trop ? »

C'est dingue comment parfois, il suffit d'un regard pour apprécier une personne. Lena est déjà tombée amoureuse - et on parle bien d'une chute violente - mais jamais elle n'a eu un coup de coeur comme ça en amitié. Cette nana, elle ne connait même pas son prénom, et pourtant elle a envie d'en savoir plus. De danser et courir, de sauter, de vagabonder et même de courir sur les toits avec elle. Pourquoi ? Comment ? Lena n'en sait rien, elle sait juste que la dernière fois, elle a très mal jugée une gamine en or, alors cette fois-ci, elle essaie directement d'être positive. Et elle s'en sort bien, parce que l'autre sourit, l'autre lui parle. « Désolée, je parle pour retarder la nouvelle chute, j'avoue. » Un large sourire s'étire sur sa face, elle aime parler, vraiment. Mais parfois, il faut qu'elle apprenne à se taire.

Et puis ses mots lui réchauffent le coeur. La peur est un moteur ! Si seulement elle l'avait su avant, elle aurait soulevé des montagnes ! Elle qui n'avait que la peur dans sa vie avant Aoden. Elle avale sa salive difficilement en pensant à sa vie d'avant, puis elle réplique. « Ok donc la peur c'est oui, la panique c'est non. Apprivoiser. Se faire confiance. » C'est un résumé rapide, mais elle se comprend. Elle écarte ses doigts, serre les poings, visualise l'arrivée et saute.

Durant les quelques secondes en l'air elle se sent voler. Libre. Prête à tout réussir, tout gagner. Puis, bien vite, la gravité la rappelle. Et tout se passe très vite, la vue du muret d'abord, puis le toucher quand le pied se pose, puis le bruit quand son hurlement retentit dans ses oreilles. Bref, une belle chute. « Aïe. » soupire-t-elle, allongée au sol. ELle se relève difficilement et regarde la jeune fille avant de s'assoir sur le muret. « Bon, je crois que je vais m'arrêter là quelques instants. Oh, je saigne. » Elle regarde son genoux, c'est un petite croute de rien du tout, mais cela fait longtemps qu'elle n'en a pas eu. Depuis qu'elle est enfant. « J'adore ! J'ai l'impression d'être une enfant casse-coup. » Sourire innocent. Vraiment Lena se sent bien avec ce mini bobo. Elle fouille dans son sac pour trouver un mouchoir et un peu d'eau. « Au fait, j'm'appelle Lena. » lâche-t-elle envers sa coéquipière d'un instant. Est-ce vraiment le moment ?

Assise par terre, en train de serrer le mouchoir contre son genoux, Lena sourit. C'est bizarre et sûrement étrange pour plein de gens, mais avec cette chute Lena se sent vivre. Elle oublie le poids de son passé sur ses épaules, elle oublie la dure galère qu'est la vie quand on a pas de sous, elle oublie ses déboires amoureux qui ne mènent à rien, juste elle vit l'instant présent. Et ça lui fait un bien fou.

Puis elle rigole en voyant la facilité avec laquelle elle a rencontré Jessie. « Franchement, bobo sur les genoux et rencontre simplifiée, on est de retour en maternelle non ? C'était si simple de se faire des copains, pourquoi tout est plus compliqué maintenant ? » Bon, les copains de maternelles ne sont pas comme les amis maintenant, des amis présents envers et contre tout, des amis sur qui on peut compter même pour cacher un mort, mais tout de même, c'était bien plus simple quand on avait pas à se soucier de l'apparence !

« Ah donc t'as ça dans l'sang ! » s'exclame Lena en voyant sa cicatrice sous le menton. « Moi j'étais la petite fille sage qui ne touchait à rien et qui s'ennuyait vraiment. » soupire la blonde. Elle n'a jamais aimé ça, mais elle n'avait pas le choix, il fallait qu'elle respecte sa maman et les autres mormons. Elle savait jouer sans se salir et même si elle rêvait de courir, elle ne le faisait pas. « Mais j'apprendrai en dépit de mon côté angélique. » Elle rit franchement cette fois-ci, la petite fille sage a laissé place à la fougueuse Lena et ne reviendra plus jamais.

Elle enlève le mouchoir et le sang ne coule plus, parfait. « J'hésite, j'suis sûre que si je continue je vais finir à l'hôpital et j'suis d'service ce soir, c'pas une bonne idée, mais j'ai pas envie d'en rester là. » Elle a encore des étoiles plein les yeux, encore envie de sauter, de risquer, de se lancer. C'est euphorisant.

Lena n'arrive pas à cerner Jessie. La jeune femme semble triste ou non, plutôt résolue ? Enfin, comme la bonne humeur de Lena semblait l'atteindre, la blonde allait continuer comme ça. Et puis bon, la beauté sombre de Jessie faisait le taff aussi, Lena n'avait pas envie de partir sans en apprendre plus.

Quand Jessie se relève pour venir se mettre à côté de Lena, la jeune blonde sent son coeur se réchauffer. Il y a un lien qui se crée, doucement, pour tisser quelque chose.

« Je suis sûre que la troisième, c’est la bonne ! »

Le sourire qui jaillit sur les lèvres de la blonde est sincère. Si Jessie croit en elle, alors elle ne va pas la décevoir. Et surtout, elle ne va pas se casser une jambe, ou un bras. Tout va bien se passer. Il ferme les yeux, prends une grande inspiration en priant un dieu quelconque, puis elle relève les paupières et saute.

« MAIS NON ! J'ai réussi. » Elle a maîtrisé son saut, le premier. C'est sûrement ridicule pour Jessie et plein d'autres gens, mais pour Lena c'est une victoire réelle. Son sourire s'élargie encore.  « Dis, j'peux admirer ta grâce maintenant ? » Non parce qu'il n'y a pas de doute que son saut n'a rien à voir avec une quelconque habilité. Elle est souple, mais pas vraiment élégante. Et puis, qui sait, voir les autres agir, ça nous apprend à mieux faire la prochaine fois.

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@lenaig rider

Elle croit en elle. Pour sûr qu’elle a même dû croiser les doigts derrière son dos pour l’encourager en se disant que ça allait fonctionner : au prochain saut, Lena allait y arriver ! Bizarrement, voyant la détermination de la jeune femme, elle n’avait pas douté une seule seconde qu’avec autant de persévérance, Lena n’allait pas y arriver. Elle la regarde faire ce fameux bon avec un immense sourire aux lèvres, comme la fierté d’un maître face à son élève.

« Yes ! Incroyable ! Tu verras, plus tu t’entraîneras et plus ce sera facile ! C’est comme tout, le parkour, ça s’apprend. » Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu un aussi large sourire collé aux lèvres. Cette rencontre lui réchauffait énormément le cœur, plus que toutes celles qu’elle avait pu faire jusqu’ici. « Ah, tu veux que je saute aussi ? Bon … » Assise sur son petit muret, Jessie se leva avant de se baisser légèrement avant d’effectuer le même saut que Lena, genoux pliés. Elle prit appuie sur ses deux pieds et s’élança aussitôt, retombant parfaitement de l’autre côté, tout près de Lena. Elle se releva et lui indiqua rapidement un petit parcours du doigt.
« Regarde, si on grimpe là, sur ce truc et encore là, on peut arriver jusqu’au toit. J’espère que t’as pas le vertige … » dit-elle avec un petit clin d'œil. L’initier aux hauteurs serait le meilleur moyen de la faire plonger complètement dans l’univers du parkour, en espérant qu’elle veut bien tenter l’aventure avec elle.

L'immense sourire de fierté sur ses lèvres se reflètent sur le visage de Jessie et Lena en est fière. Les deux gamines ne se connaissent absolument pas il y a quelques minutes et voilà qu'elles partagent déjà une relation. Lena est bien heureuse d'être venue là ce matin et d'avoir tenté. Le destin l'a clairement bien menée au bon endroit. « Non mais ouais, comme toi, ça s'apprend et ça se pratique. » Mais la jeune blonde a trop l'habitude de porter des talons et des petites robes courtes, absolument pas la bonne tenue pour ce genre de sport. Va-t-elle doucement changer de vie, quitter les sapes classes et trop féminin, pour vivre sa meilleure vie ? Cela risque de dépendre de Jessie, pour conserver et gagner une amitié, Lena ferait n'importe quoi.

« Regarde, si on grimpe là, sur ce truc et encore là, on peut arriver jusqu’au toit. J’espère que t’as pas le vertige … » Lena plonge son regard vers le lieu qu'indique Jessie. Elle hésite deux petites secondes. A la base, elle pensait que ce saut-là était son dernier et qu'ensuite, elle partirait se préparer pour bosser, mais explorer la ville de ce toit-là... ça la tente beaucoup trop. « Alors je crois pas avoir le vertige mais ... je ne suis jamais montée très haut, j'avoue. » Pas de grande roue quand elle était gamine, même pas d'immeuble super haut non plus. Tant pis, au pire, elle redescendra. « Allez, go, je te suis. » Elle préfère regarder comment Jessie se débrouille.

En quelques enjambées, elles grimpent sur un rebord. Puis elles utilisent l'échafaudage et enfin elles arrivent en vue du toit. Lena utilise ses bras pour supporter son poids. « Et bien, je pensais pas que tenir un plateau pour servir des cocktails ne donneraient d'aussi bons muscles dans les bras... » s'exclame-t-elle ne voyant ses muscles travailler.

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@lenaig rider

Si on lui avait dit ce matin qu’elle allait former une future grimpeuse de mur, une fille comme elle qui allait faire du parkour, elle n’y aurait pas cru. Elle avait rarement croisé des personnes assez timides et assez folles à la fois pour s’entraîner seul dans une rue, à sauter de mur en mur. Lena semblait spéciale, particulière. Et Jessie commençait à beaucoup l’aimer. Elle voyait de la hargne, elle lisait de la détermination dans son regard et ça lui mettait un baume au cœur. Désormais, Jessie avait envie de corser les choses, de repousser les limites de Lena en l’emmenant sur un toit. « Évidemment. Sinon, tu progresses pas t’façon. » lui lance-t-elle en souriant, prête à grimper sur les toits une fois qu’elle aura son approbation.

Et elle n’a pas l’air contre, au contraire. Jessie sourit à nouveau. Lena la surprend, et elle aime ça. « Tu verras, c’est incroyable de là-haut. » Et elle se met aussitôt à grimper le rebord et l'échafaudage en prenant toujours garde à ce que Lena la suive ; ce serait dommage qu’elle tombe à cause d’elle. Arrivées en haut, le souffle pratiquement intacte à force de pratique, elle voit les muscles de Lena saillir et lui tend la main pour l’aider à franchir les derniers centimètres avant d’être enfin en haut des toits.
Jessie s’approcher d’un rebord de l’immeuble pour laisser ses jambes dans le vide et admirer l’horizon tandis que le soleil monte tranquillement. « C’est encore plus beau lors du coucher du soleil. Il faudrait que je t’y emmène un jour. » Elle laissa le silence s’installer tandis que le vent soufflait dans leurs cheveux avant de reprendre. « Tu as légèrement parlé de ton enfance tout à l’heure … C’est quoi ton histoire à toi ? » demanda-t-elle innocemment comme si elle n’avait qu’une dizaine d’année et qu’elle venait de grimper avec sa nouvelle amie sur la branche d’un arbre.

Jessie grimpe devant elle, à l'aise. Son souffle n'est pas rauque comme celui de Lena, non. Tout est fluide, beau, gracieux. Lena essaie d'avancer beaucoup plus prudemment, mais elle est bien consciente que ce n'est pas fin et délicat comme les mouvements de Jessie. Après tout, c'est normal. Elle n'est pas jalouse, mais admirative. Elle espère un jour avoir son aisance, sa facilité. Elle passe son poids d'un pied à l'autre, avec attention et force. Elle se prend un mur, une fois et se rattrape grâce à la main tendue de Jessie. Elle sourit allègrement en tirant sur sa force. « Merci. » murmure-t-elle.

Une fois sur le toit, Lena écarquille les yeux avec délice. C'est vraiment beau. Elle avait cru Jessie, mais avant de le voir sois-même, on ne peut pas comprendre. « Wahou. » lâche-t-elle avant de faire un tour sur elle-même pour embrasser du regard toute la ville. « Wahou » répète-t-elle idiotement. « C'est.. incroyable. Je veux bien te croire pour le coucher du soleil, mais déjà là... j'adore. Je comprends l'envie de recommencer, encore. » Les toits de la ville ne l'avait jamais attirée et maintenant elle ne va plus vouloir les quitter.

« Tu as légèrement parlé de ton enfance tout à l’heure … C’est quoi ton histoire à toi ? » Jessie s'est assise, les jambes dans le vide. Lena tourne son regard vers elle puis s'assied à côté, doucement, comme pour ne pas casser la magie de l'instant présent. « Oh. » lâche-t-elle un peu rapidement. « C'est le moment où je vais passer pour une folle et où tu vas avoir pitié de moi... J'ai pas envie de tout gâcher. » avoue-t-elle en rougissant. « Mais ma psy me dit que ça fait du bien de se confier alors.. j'espère que tu es prête à entendre la pauvre et misérable vie de Lenaig Rider. Ouais, j'utilise un surnom les trois quart du temps. » Elle sourit pour se donner du courage. « Ma mère était folle, j'ai grandi dans une secte, les Mormons, et pour te la faire courte, j'avais le droit de rien faire à part être sage et polie. Alors mes petits bobos aux genoux étaient une fierté que je cachais sous mes longues jupes tu vois... J'en avais si peu, j'étais si obéissante et douce. » Elle laisse son regard vagabonder. Cette époque ne lui manque absolument pas. « Puis ma mère est morte, d'une grippe, genre elle aurait pu être soignée, mais il ne lui donnait que de l'eau tiède, alors bon ça aide pas. Et je me suis enfuie. » Elle se mord l'intérieur de la lèvre. « Une gamine perdue, seule sur les routes, tu t'imagines que j'ai pas fait feu longtemps, un gars m'a ... recueillie disons et j'ai bossé pour lui. » Le regard de Lena se vrille de larmes et elle se tait. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, elle laisse Jessie imaginer, elle ne veut plus prononcer ces mots. Elle ferme les yeux, inspire. Puis les rouvre et sourit. « Un gars m'a sauvée, m'a sorti de là, m'a emmené en cure de désintox alors que j'en avais pas vraiment besoin, mais j'ai pu me barrer. Maintenant je bosse dans une boîte de nuit, c'est mon patron et je me sens en sécurité. J'ai des amis et ... je rattrape tout ce que j'ai pas pu faire. J'suis vraiment pas à plaindre, j'ai eu de la chance ensuite. » Large sourire, pour qu'elle ne la prenne pas en pitié. Lena déteste ça. « Et toi ? Si tu as envie te de confier hein. » précise-t-elle avec douceur.

Lena sait bien que tout le monde n'a pas forcément un parcours compliqué, mais elle est une oreille attentive maintenant.

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Lorsque Jessie tire la main de Lena pour l’aider à monter sur le toit de l’immeuble, elle est heureuse de lire dans ses yeux un émerveillement de gamin. C’est comme ça qu’elle était, elle-aussi, depuis le premier jour où on l’avait initiée à monter là-haut. Elle était heureuse, à son tour, de pouvoir transmettre la beauté d’un paysage. Si grimper sur les toits n’était pas la chose la plus légale, il résidait pourtant dans cette pratique quelque chose de magnifique, comme un art mêlé au sport. Comme quelque chose qui devrait se développer, avoir ses propres locaux pour s’entraîner et des spots libres d’accès comme les skateparks qui ont leurs propres installations pour éviter de voir quinze gamins vadrouiller en groupe dans la rue.
Finalement, Jessie demanda à évoquer le passé de Lena en prenant des pincettes. Elle sentit en cet instant que l'ambiance devenait différente. Plus intime et plus douce. Avec attention, regardant parfois dans le vide, l'horizon ou vers Lena, elle l'écoutait. Jessie apprit de nombreuses choses sur elle et même si son interlocutrice ne voulait pas de sa pitié, elle n'eut pas la force de repousser ce sentiment. Elle continuait de l'écouter tout en se disant que sa vie n'était pas si laborieuse que celle de Lena - ou Lenaig. Jessie appréciait les deux, le prénom comme le surnom.
– Si la vie est dure au début, c'est simplement pour t'aider à appréhender plus sereinement le futur, lâcha finalement Jessie. Les yeux vers l'horizon, elle laissa le mystère flotter un instant avant de se tourner vers Lena. C'est ce que m'a dit ma mère avant de mourir. Je n'ai pas eu une vie aussi tumultueuse que toi, je dois avouer. Et je n'imaginais clairement pas ça derrière ta petite bouille mignonne.
Elle laissa à nouvea un instant de flottement avant de se lancer dans sa propre histoire.
– Pour ma part, tout a commencé parfaitement. Un jumeau, un petit frère. Une vie calme et sans accroc jusqu'à ce je tombe amoureuse d'une autre fille. Mes parents ont eu du mal à accepter cela. Je ne partageais pratiquement plus rien avec eux, comme un immense fossé creusé. Puis ma mère est tombée malade, un cancer pour sa part.
Elle aussi, ne souhaitant pas être prise en pitié, elle ajouta :
– Mais ça va faire cinq ans maintenant, et puis, j'ai passé trois ans loin de NOLA avec ma tante sur les routes des forains pour penser à autre chose.
Elle n'avoua pas néanmoins que le retour à la Nouvelle-Orléans quelques mois plus tôt avait été pour le moins compliqué.
– Le plus dur, c'est que beaucoup ont pris ce départ pour un abandon … Elle laissa sa phrase en suspens, en regardant dans le vide.
– Au fond, on a toutes les deux un passé compliqué, pas hyper commun comme le rêve américain mais je crois que la vie est en train de nous sourire, tu crois pas ? dit-elle avec un sourire aux lèvres comme pour appuyer ses propos. Ça te dit de revenir pour d'autres leçons ou pour le coucher du soleil ?

Aussi étrange que cela puisse paraître, Lena se sent en confiance sur ce toit avec cette inconnue. Elles partagent quelque chose de plus fort et plus simple qu'une rencontre autour d'un couloir. Et Lena en est heureuse. Depuis qu'Eleanor a disparu de la circulation, puis qu'Eva est partie, elle se sent seule la gamine, seule avec ses problèmes et ses joies. Elle n'a que des potes mecs et clairement... ils n'ont rien à voir. Et pourtant, Lena a toujours du mal à faire confiance, pourquoi Jessie arrive-t-elle à l'apaiser ? Sûrement ce regard qui prouve qu'elles ont partager des difficultés. Et quand Jessie lui répond, Lena se sent mieux. Comme si elle avait retenu son souffle ou crispé ses muscles. Son corps se relâche, son souffle se fait plus profond. Elle a eu raison de lui faire confiance.

« Comme je te comprends, t'sais, quand j'ai découvert que j'avais le droit d'aimer les filles, tout a changé dans ma perception du monde. D'ailleurs j'ai découvert si tard qu'il existait une vocabulaire pour ça, ça me rend ouf tout ce qu'on m'a caché parce qu'avant ils pensaient que si on n'en parlait pas, ça n'existait pas. Je suis désolée pour ta mère. » Les mots sont sortis tous seuls et ce qu'elle voulait transmettre, c'était qu'elle était désolée pour les mots durs qu'avait pu avoir sa mère, pour le jugement et le fossé. Parce que personne ne devrait avoir à vire ça, personne. « Clairement la vie va nous sourire maintenant, en tout cas, moi, j'vais tout faire pour. » Son ton est si fier, si sûr, que Lena se convainc elle-même. « Ouais, on va obtenir les étoiles. » dit-elle en fixant les étoiles au loin qui ne sont jamais visible dans cette ville toujours trop éclairée et pleine de pollution, mais les étoiles sont tout de même là.

« Oh carrément. Pour les deux ? » Elle répond comme si elle posait la question, comme si elle était incapable de choisir. Lena avait décidé de prendre la vie comme elle venait et elle ne voulait plus jamais passer à côté de la moindre opportunité. Lena sort son téléphone et au vue de l'heure. « Ouais, en plus j'bosse pas à côté et faudrait que je me grouille un peu, je te laisse mon numéro ou on s'dit qu'on s'retrouve directement là sur les toits ? » Revenir par ses propres moyens, voilà ce qui risquerait être un sacré challenge, mais Lena était prête à tout pour créer quelque chose avec Jessie, elle avait besoin d'une amie comme elle dans sa vie.

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Sa rencontre avec Lena avait été la chose la plus inattendue ses derniers jours, voire même ces derniers mois. Mais c’était aussi la rencontre la plus belle et la plus enrichissante. Elle lui avait appris à grimper sur les toits, elle s’était dévoilée, apprenant à nouveau à faire confiance à quelqu’un et elle se rendait compte qu’elle était capable de s’approcher à ce petit bout de femme, rien que par sa joie, son humour, son sourire et sa détermination. Pour le moment, elles n’étaient encore qu’une élève et son maître, en phase de devenir de bonnes amies, laissant au monde le pouvoir de faire les choses à sa façon. « Je suis désolée pour toi aussi. » Elle avait envie d’en savoir plus, mais elle décida de garder les questions personnelles de la jeune femme pour un autre jour. Pour leur prochain rendez-vous, peut-être.

Elle écouta même ses mots déterminés et, levant les yeux au ciel, elle décida d’y adhérer aussi. « On va obtenir les étoiles. » répéta-t-elle. Elle se tourna vivement vers Lena, le sourire aux lèvres. « On se le promet ? Promesse du front, ça te va ? » dit-elle en approchant sa tête. Elle se rendait compte qu’elle trouvait une amie en elle qui pourrait lui permettre de décrocher la lune. Une chose qui ne lui était pas arrivé depuis bien trop longtemps. « Va pour les deux, alors. » lui répondit-elle alors qu’elle lui proposait de revenir ici, de repasser un moment comme celui-ci. Lena, elle deviendrait son échappatoire dans ce monde complètement tordu.
« J’ai envie de te faire confiance et de t’attendre. Je suis là très souvent, si ce n’est tout le temps, alors … » Elle laissa sa phrase se terminer par elle-même, fit un clin d’oeil à la jeune femme et se leva. « Je t’aide à redescendre ou tu te sens l’âme d’une cheffe après cette première leçon et je te laisse te démerder ? » lança-t-elle tandis que la nuit tombait finalement sur NOLA.

« On se le promet ? Promesse du front, ça te va ? » Lena avait envie de pleurer, parce que cette Jessie venait de rentrer dans son coeur et dans sa vie pour de bon. Parfois, les rencontres les plus simples sans fioriture valent plus que tout le reste. Elle sourit et penche son front. « J'connaissais pas, j'adore. » Elles se touchent le front, ferment les yeux et se promettent en silence d'être là l'une pour l'autre, quoique ça veuille dire, vers quoique ce les mènent. Lena sourit largement.

Le coeur de Lena se met à battre plus fort quand Jessie reprend la parole. « J’ai envie de te faire confiance et de t’attendre. Je suis là très souvent, si ce n’est tout le temps, alors … » Confiance, le mot lui fait un bien fou. Et elle comprend combien elle a été manipulé toute sa vie, personne ne lui a jamais fait autant confiance. Sauf Aoden. Elle retient un soupir en songeant à lui. Il faudrait qu'elle lui dise. Elle se force à sourire. « Parfait, je reviendrai mais... je bosse souvent du soir, m'en veux pas. » C'est rare les soirées de Lena libre et en ce moment elle veut en passer au maximum auprès d'Hayden. Mais Jessie mérite qu'elle revienne, alors elle reviendra. Promis, juré, craché.

« Je t’aide à redescendre ou tu te sens l’âme d’une cheffe après cette première leçon et je te laisse te démerder ? » Elle relève la tête et se mord la lèvre. « Pas sans toi. » avoue-t-elle. Revenir ok, mais redescendre seule, ne pas retrouver son chemin ou se perdre. La honte. Et se blesser encore plus.

Alors elles se suivent. Jessie juste devant, Lena juste derrière. La gamine regarde bien autour d'elle pour repérer le paysage, les maisons et les coins. Elle reviendra et il vaut mieux qu'elle retrouve le bon chemin. Quand enfin leurs pieds touchent le sol, Lena sourit et déclare. « Merci pour ce moment hors du temps, promis, on s'revoit. » Elle est pas douée pour les effusions de sentiments, alors elle part de son côté après un signe de la main. Leur rencontre n'est que le début d'une belle histoire.