Enfer ft Isaac, Lenaig, Milo + gang possible

Spoiler:

La fatigue me tape d'un coup, c'est systématique depuis quelques jours, je suis crevée dès que je vois la fin de mon service. Dans le vestiaire, je récupère mes vêtements, mais par une flemme totale, je ne me change pas, je garde mes talons et ma jupe courte avant d'enfiler mon grand manteau. Si j'avais su... mais je ne savais pas.

Je sors dans la nuit fraiche, j'ai vu l'information, il neige presque partout, mais pas ici. Tant mieux, je ne risque pas de me casser la figure. Ulrich ne bossait pas ce soir là, Ao non plus, j'hésite à appeler le chauffeur pour qu'il me ramène chez moi, mais je sais qu'il préfère me ramener au manoir alors tant pis, je prends sur moi. Et j'avance. Je sors mon téléphone pour envoyer un texto à quelqu'un, n'importe qui, pour me tenir compagnie sur le chemin.

J'aimerai penser que c'est parce que j'ai les yeux rivés sur mon téléphone que je ne les ai pas entendu approcher, mais en réalité, ce sont juste des pros. Vraiment. Je n'ai pas le temps de faire quoique ce soit que je sens une main sur ma bouche et deux autres mains qui m'entourent. J'ai envie de suivre les conseils qu'on m'a donné - mordre, taper dans les couilles avec mes pieds, mettre les doigts dans les yeux - mais en réalité, c'est la panique qui me saisit et je reste pétrifiée. Incapable de bouger, ni même de réfléchir. Pas un seul cri, pas un seul mouvement. Et mon téléphone quitte mes mains, ma bouche se fait bâillonner et ma vue s'éteint.

Je sens un liquide chaud contre mes cuisses et sur mes joues. J'ai honte, mais je n'ai pas pu me retenir de paniquer et de pleurer.

Je n'ai aucune idée d'où nous sommes, aucune idée depuis combien de temps je suis là, j'ai peur, non, je suis terrifiée. Personne ne nous a encore parlé et par crainte d'être écoutée, j'ai pas encore ouvert la bouche. Je ne sais pas pourquoi je suis là mais j'ai dix milles scénarii en tête. L'ancien mac qui m'a retrouvé et me fait payer, le gang qui m'a attaqué avec Leo la dernière fois et qui était plus vaste que prévu, une erreur, mais je ne sais pas. Et tant que je ne sais pas, je ferme ma gueule - sauf pour les pleurs, ça j'y peux rien et même moi, ça m'énerve ce bruit continue, mais j'y peux rien. Mes mains attachée dans mon dos et au mur me blessent, mes pieds toujours chaussés de mes escarpins me font mal, ma gorge est sèche et j'en ai marre.

La porte s'ouvre. « Mangez » Un seul mot, un seul regard, puis de nouveau le noir complet. Il me faut de nouveaux quelques minutes à m'habituer à l'obscurité, quand la personne revient nous détacher pour qu'on puisse manger. J'ai aucune envie de goûter à leur assiette, mais j'ai trop faim, alors je mange tout ce que je peux.

Quand il est reparti et que je suis de nouveau seule, je recommence à pleurer, de fatigue et de peur. « ça va durer combien de temps ? » dis-je comme en parlant à moi-même. Je reste naïve, optimiste, que ça s'arrête, que l'erreur soit réparée. Je n'ai toujours aucune idée de qui est avec moi, vu le peu de lumière.

Dimanche 28 novembre, 3h30.

Soirée qui se termine tard, comme bien souvent. Les messages d’Aoden étaient là pour lui donner le sourire, la motivation de continuer entre le service des verres et la gestion des employés. Il l’aime son travail Isaac, il est fier de ce qu’il a accompli, mais il est vrai qu’il est parfois un peu moins appliqué maintenant qu’il a quelqu’un dans sa vie. Son esprit est ailleurs, il prend les jours de congé qui lui sont dûs. Parce qu’il a d’autres choses à faire, à vivre, et qu’il s’appuie un peu moins sur le Snug Harbor. Ce n’est plus sa seule béquille à présent. Sourire aux lèvres, il se réjouit, parce que son homme vient d’accepter de l’aider à décorer un sapin de Noël. Pas seulement avec lui, mais avec Cloé, la prunelle de sa vie. Ça lui donne l’impression qu’ils avancent tous les deux, qu’ils sont en bonne voie. Ils construisent quelque chose, de vrai, de beau, et peut-être même de durable. Il est tombé amoureux Isaac, et il commence à se dire qu’il en avait le droit, qu’il peut en profiter.

C’est la fin de la soirée, tout le monde est parti. Pour lui qui vit au-dessus du bar, il n’y a pas vraiment de fin de service, ça s’arrête quand la fatigue lui impose d’aller au lit. Encore quelques chaises à retourner, puis les poubelles à sortir. Ce sera sa dernière corvée avant de retrouver les bras de Morphée. Alors comme presque tous les jours, il se dirige vers la ruelle à l’arrière du bar, ouvre le conteneur avant de sentir une présence dans son dos. Et le con il sourit. « Je savais pas que tu venais ce soir babe. » Parce que qui d’autre pourrait venir le trouver dans une allée sombre, aux premières heures du jour ? La cagoule le surprend mais il se dit pourquoi pas, un nouveau fantasme à explorer. Sauf que les mains sur son corps ne sont pas celles d’Aoden. La voix qui siffle à son oreille n’est pas celle qu’il écoute avant de s’endormir. Et le cœur s’emballe, et il panique. Il gigote Isaac, mais ce n’est pas avec ses cours de zumba hebdomadaire qu’il peut faire quoi que ce soit contre ces hommes-là. Bientôt ses membres sont ligotés, il se sent transporté, il ne peut pas crier. Puis il y a des bruits de portière, et il se sent emporté.

Dimanche 28 novembre, 22h.

Il fait toujours noir, mais le mouvement s’est arreté. Sous la panique Isaac a perdu connaissance un moment, il se souvient qu’on l’a forcé à marcher à un moment, mais rien de très précis. Combien de temps a-t-il roulé ? Combien sont-ils autour de lui, dans cette pièce ? Pourquoi est-il là ? Ca c’est la plus grande question. Qu’est-ce qu’il a bien pu faire pour être emmené comme ça ? Évidemment qu’il a entendu parler des histoires de gangs, qu’il sait que les malfrats grouillent partout en ville, mais lui s’en est toujours tenu loin. Pas de ça dans son entreprise, pas de ça dans sa vie. Il refuse Isaac, il méprise toutes les personnes qui s’approchent trop près de ces histoires-là parce qu’il sait ce que ça peut coûter. Parce qu’il n’a pas la force de vivre une nouvelle perte. Tout ce qu’il sait actuellement, c’est qu’il n’est pas seul. Des sanglots brisent le silence à un rythme régulier et il aimerait dire quelque chose, rassurer la personne qui se trouve là, non loin de lui. Mais il ne peut pas. La gorge serré, la bouche sèche, il a la sensation d’être paralysé, incapable de dire ou faire quoi que soit. Sans doute parce qu’il a encore des liens autour des membres, mais pas seulement. Il est en état de choc Isaac, sans doute comme cette jeune fille. Qu’est-ce qu’elle a fait pour être amenée ici ? Sans doute rien du tout.

La porte s’ouvre et le mince filet de lumière qui s’en échappe lui brûle les rétines. C’est déjà un trop fort contraste avec l’obscurité constante dans laquelle il est plongé depuis des heures. Ca ne dure que brièvement, on le détache assez pour qu’il puisse manger, mais il n’a pas la force de se lever et de tenter de courir. Pas le courage non plus. On lui pose une assiette près de lui, il le reconnaît au bruit et pourtant il reste immobile un instant. Jusqu’à ce que la présence s’éloigne. Puis il tend la main, tâte l’espace, prend un petit bout seulement du pain qu’on a mis devant lui. Il sent que c’est bénéfique quand il le met en bouche, mais son estomac est trop serré. Il a l’impression qu’il va être malade Isaac, jusqu’à ce que la fille se mette à parler. Cette voix, il la connaît. Elle lui semble vaguement familière, mais au fond ce n’est sans doute que le délire du choc. « Je ne pense pas qu’ils le savent. » Sa voix est rauque, douloureuse, et il fouille autour de l’assiette en quête d’un peu d’eau. « Vous… vous savez qui ils sont ? » Il y a tellement de questions, tellement d'insécurités qu’il ne sait même pas quoi demander. « Je m’appelle Isaac. » Ouais, sans doute que des présentations c’est ce qu’il y a de mieux. Après tout, si c'est un piège, qu’elle fait partie de ceux qui l’ont amené ici, elle sait déjà qui il est. Et s’il y a un infime espoir qu’ils se soient trompés de personne, alors donner son identité pourra jouer en sa faveur.

Je ne suis pas seule. Je l'avais presque oublié tant l'autre est silencieux alors que je ne peux m'empêcher de pleurer à chaudes larmes. Je sursaute quand il me répond et manque de m'étouffer avec mon bout de pain rassis, même si c'est clairement le meilleur quignon que j'ai jamais mangé de ma vie tant j'ai faim. J'inspire doucement pour me retenir de pleurer, puis je reconnais sa voix ... à l'instant où il dit son nom. Sa voix douce contraste avec la dernière fois que je l'ai entendu : en pleine dispute avec... « Ao. » le nom sort tout seul. Et il me brise encore plus. Ma voix se serre et je me mets à trembler. Aoden. C'est le lien entre nous deux, le seul lien que je peux faire. Il est riche non ? Il pourra nous sortir de là, je dois m'y accrocher de toute mes forces. Aoden peut tout faire. Il va nous sortir de là. J'espère plus que je n'ai jamais espéré.

Pourtant j'y arrive pas et je commence à respirer trop vite et trop fort. C'est incontrôlable, je n'arrive pas à me calmer. Malgré tout ce qui m'est arrivé... c'est la première fois que je panique complètement. Je crois que le pire, c'est que je commençais à me relever, à être heureuse et entourée d'amis. J'essuie furieusement mes larmes puis je prends mon courage à deux mains pour parler. Après sa dernière réplique j'ai l'impression qu'il s'est passé des heures, il doit se demander ce qu'il m'arrive et si je ne suis pas complètement inutile. « Isaac c'est moi, Lena. Je suppose qu'Ao t'a parlé de moi. » J'arrive pas à prononcer son nom en entier, ni dire papa. Dans ce lieu, ça me paraît démesuré. Et s'il ne lui a pas parlé de moi, je suis fichue, parce que je n'ai pas l'énergie de tout lui expliquer maintenant. « Je vois pas d'autres liens entre nous, mais j'espère que c'est pas ... pas à cause ni pour lui, mais tu comprends ? » Mes mots n'ont plus de sens, mon esprit est en vrac et ma respiration s'affole dès que je pense à ce que je vis. Il vaut mieux me taire et manger. C'est le plus sûr. Surtout s'ils nous écoutent. Ils nous écoutent sûrement. Putain. Qu'est-ce qu'on fait là ?

PNJ.

CW. VIOLENCES.

A dire vrai, on s'en moque de vous. Alors fermez vos gueules. Ce qu'on veut, c'est attirer le loup ici. Qu'il vous regarde souffrir. Des années qu'on veut le voir tomber. Nous supplier. Vous sauver. Règle numéro ne jamais avoir de liens, ne jamais s'attacher. Ca a été dur de trouver. Mais tout vient à point à qui sait attendre. C'est à présent son tour. Il va souffrir et abandonner son trône. Et tout cela grâce à deux pauvres petites choses que vous êtes. Le Monstre a des faiblesses et on ne peut que vous remercier. Encagoulés, aucune ne touche les victimes. Non, ils attendent que l'invité arrive, que de ces propres yeux, il entende les hurlements. Quelques coups infligés mais jamais rien de sanglants. Le meilleur est toujours à venir. Les heures défilent lentement. Des jours passent également. La peur est distillée, on ne fait que remercier les deux choses. Et enfin la nouvelle tombe.

Amenez les dans la salle principale. Le spectacle va enfin commencer. Attacher les sur la roue. Les subalternes s'exécutent. Les deux kidnappé.es sont ligoté.es sur une roue, ces dernières tournent lentement. Ce qui ressemble au leader entend les menaces du barbu. Aoden Lynch, tu nous as fait attendre. La bête vocifère. C'est joussif que pense le leader. Pourquoi on fait ça ? Parce que tu te crois invincible. Parce que tu m'as ôté ma raison de vivre. Alors j'ai fait pareil. Tu as été malin de te servir d'une femme en guise de petite amie mais tu vois, une erreur de ta part et on a débusquer le petit animal. C'est dans le bras qu'Isaac se prend un coup de couteau, puis la roue se remet à tourner. Et puis, une fille. Lynch a une fille. Et ce fut la plus belle des aubaines. Dans la cuisse pour la blonde. En les faisant souffrir, je peux te jurer que ton visage impassible que tu portes là, va se fissurer.

Le leader fait dos à Lynch. On lui apporte une mallette remplie de couteaux. Si je vise le coeur, c'en est fini d'eux. Et de toi. Les premiers couteaux sont lancés. Un atterri non loin de la joue d'Isaac et l'autre au dessus de la tête de Lena. Abdique Lynch.

Le nom résonne et le cœur d’Isaac se serre, l’incompréhension se manifeste. Dans le noir il tourne la tête, cherchant la présence de son amant dans la pièce. Mais Aoden n’est pas là, Aoden ne ferait pas ça. Les pensées s’emmêlent et la jeune femme panique. Il entend sa respiration trop forte, trop rapide, ses sanglots qui s’emparent de son corps. Et il connaît ça Isaac, il peut presque sentir la crise de panique le prendre aussi. Trop de fois il a ressenti ça, mais il ne peut pas s’approcher. Il voudrait l’aider, lui prendre la main, peut-être même la prendre dans ses bras. Lui dire que ça va aller, qu’il va l’aider. Mais l’aider à faire quoi ? Il ne sait pas où ils sont, ce qu’ils font, pourquoi ils sont là. Alors il lui laisse le temps de se calmer. Lentement il mange un peu de pain, avalant des minuscules bouchées pour ne pas tout recracher. Il murmure des laisse tout sortir, ça va aller pour la jeune fille, jusqu’à ce que ça passe. Puis elle lui donne son nom, la lumière s’allume. Ils ne se sont pas beaucoup croisés, il ne peut même pas dire qu’il l’a connaît. Mais il sait qui elle est. « Oui, il m’a parlé de toi. » Il revoit la mine soucieuse d’Aoden quand ils se sont vus ce soir-là, après qu’il lui ait avoir une fille. Il se souvient de la peur, de la volonté de bien faire, des doutes… Et ça lui donne seulement envie de pouvoir être dans ses bras en cet instant. « Ni à cause ni pour lui ? Je ne vois pas en quoi ça peut être lié à Aoden… Il n’a rien à voir là-dedans. » Isaac n’a plus aucune notion du temps. Peut-être qu’il s’est écoulé des heures depuis qu’ils sont là, peut-être seulement quelques minutes. Mais il sent qu’Ao est inquiet, que déjà il se pose des questions, envoie des messages.

Bientôt ils sont rejoints par des silhouettes encagoulées. Ils crient, leur disent de se taire, parlent d’Aoden. Mais Isaac sait qu’il y a erreur sur la personne. Un monstre qu’il l’appelle. Un monstre assis sur un trône. Ca ne ressemble pas à l’homme qu’il aime, l’homme avec qui il partage sa vie. Mais il ne peut pas poser de questions. Quand il essaie il reçoit des coups, quand ils menacent Lenaig il porte l’attention sur lui. Au moins il peut faire ça pour Ao, pour elle. Le temps défile avec une lenteur alarmante. La nourriture s’empire, son angoisse aussi. Il tente de calmer la fille, de lui parler d’autre chose, mais le cœur n’y est pas. Comment peuvent-ils s’intéresser à autre chose en étant ici ? Puis tout change.

On les amène dans une autre salle, les attache à des roues. Le nom d’Aoden est de plus en plus cité, et Isaac est terrifié. Il est en chemin, sur le point d’arriver et bien qu’il espère cela depuis des jours, il redoute ce qui arrivera. Ces hommes ne veulent clairement pas prendre le thé avec lui, ils sont armés, prêt à l’accueillir. Que pourra un homme seul contre ces bandits ? Mais finalement il entre. La seule vision de son visage provoque des larmes dans les yeux d’Isaac, mais il aperçoit dans les traits de son homme des expressions qu’il n’a jamais vu auparavant. Un air sanguin, violent, terrifiant. Un dialogue se lance et il reste silencieux, le regard rivé sur Aoden. Il lui fait signe de ne pas approcher, de rester loin, en sécurité, mais tout chavire. D’abord l’insulte, puis le couteau qui entaille sa peau. Le cri sort de sa bouche sans qu’il puisse le contrôler. Il aurait aimé être fort Isaac, gérer la douleur de manière plus virile. Mais il y a la peur, la crasse, l’incompréhension qui se lient à une douleur qu’il ne mérite pas. La roue se met à tourner, il voit l’homme de charge s’emparer de couteau, viser et sous la panique il ferme les yeux. « Aoden de quoi ils parlent ? » Il crie mais sa voix se brise, faisant rire plusieurs hommes autour d’eux, mais il n’en a rien à faire. Tout ce qui l’importe c’est qu’Aoden lui explique ce qui se passe, que Lenaig sorte d’ici saine et sauve, sans plus de blessure que celle qui vient de lui être infligée. « Sors-nous de là. » Il ne sait pas ce qui est en jeu, ce que ce gang lui demande d’abdiquer. Mais rien ne lui semble suffisamment important pour justifier ce qu’ils ont vécu.

Isaac est calme, Isaac est rassurant et c'est ce dont j'ai besoin. Je m'accroche à lui. Sans le toucher, juste à sa lumière et à sa voix. Et je sens déjà que je peux survivre. Et puis Aoden va nous sauver, tous les deux. Je dois en être persuadée. Il est capable de tout, je l'ai déjà vu me sauver plus d'une fois. Là, il viendra encore. « J'espère pas, mais il viendra. » murmurai-je pour Isaac. Je ne sais pas s'il est impliqué, et je m'en fiche. Ce que je sais, c'est qu'il viendra. Mais, à peine notre échange est commencé, qu'on nous gueule dessus. Ils ne veulent pas qu'on parle. J'ai envie de pleurer à nouveau, la voix du mec cagoulé est trop violente, trop horrible. Je sens dans son ton tout ce qui pourrait se passer. Et j'ai peur. Je meurs de peur. Je tremble à nouveau et je me tais. Je ne veux pas mourir. Et les larmes coulent à nouveau, silencieusement, sur mes joues.

Le temps s'est écoulé extrêmement lentement, mêlant angoisse et peur. Mêlant désespoir et panique. Je n'ai pu que peu parler avec Isaac, nous étions sommés de nous taire à chaque fois qu'on essayait de se soutenir mutuellement. Et comme je ne ne voulais surtout pas me retrouver seule, j'ai largement préféré me taire et conserver le peu de chaleur humaine qu'Isaac - sa seule lumière dans cette horreur de noirceur - pouvait m'apporter.

Et puis on nous a sortis de là. Sans rien nous dire d'autre que des ordres secs et d'une violence extrême - à cet instant-là, je ne savais pas encore ce qui allait m'arriver. Et puis, moi qui croyais n'avoir plus aucune goutte d'eau dans mon corps, j'ai tout de même réussi à pleurer de nouveau. Ligotée sur une planche je se sens mal, mais quand la planche se met à tourner, j'ai envie de vomir. J'essaie de pleurer en silence, en fermant les yeux pour m'échapper à ce qui m'entoure. Je ne comprends pas. Je suis perdue. Pourquoi suis-je là ? Qu'attend-on de moi ? Autour de moi, j'entends des sons, mais ils ne font pas sens. Je me sens étrangère à ce qu'il se passe ici. Jusqu'à ce que « AHHHHHHHHHH. » Le hurlement de douleur qui m'échappe me terrifie, je ne savais pas que j'étais capable de crier si fort. Mais je ne connaissais pas cette douleur d'un couteau planté dans ma cuisse non plus. « S'il vous plait, s'il vous plait, s'il vous plait, s'il vous plait. » suppliai-je en boucle, sans savoir vers qui, sans savoir pourquoi. Je veux juste sortir de là.

Les cris continuent. Ceux de Lenaig, ceux d’Isaac. Ils se répondent en échos, faisant office de bruit de fond à la conversation qui se joue entre Aoden et les autres. Le gentil et les méchants. Isaac aimerait croire que la distinction est aussi nette, aussi simple, mais plus les minutes passent, plus il se rend compte du flou qui entoure toute cette situation. Pourquoi sont-ils attachés ici depuis des jours si Aoden n’a rien à se reprocher ? Pourquoi toute cette histoire ? Il aimerait tant avoir des réponses, que tout s’arrête pour qu’enfin il comprenne l’enfer dans lequel il s’enfonce depuis longtemps. Mais dans sa conscience il n’y a plus que la roue qui tourne, encore et encore, et le bruit mat des couteaux lorsqu’ils rencontrent la planche à une vitesse éclair. Les voix ne deviennent qu’un bourdonnement lointain et dans ce mouvement continuel, Isaac laisse ressortir les restes de pains durs et d’eau croupie. Il ne sait pas ce qui est pire entre l’odeur métallique du sang et celle nauséabonde de son vomi. Arrivé là, il préférerait perdre connaissance pour ne plus avoir conscience de toutes les horreurs.

« Aoden. Aoden… Aoden. » Comme un mantra rassurant, il chuchote en boucle le nom de celui qui devait venir pour le sauver. Celui qui reste là, à parlementer tandis que sa fille et son amant se font torturer. Les larmes ne s’arrêtent plus, il pleure en silence parce qu’il n’y a que ça à faire. Il ne sait plus quoi faire, quoi dire ou même quoi croire. La rage trouve s’insinue doucement dans son esprit, et pourtant elle n’est pas justifiée. Si la situation était inversée, que serait-il capable de faire pour sauver l’homme qu’il aime ? « FAIS QUELQUE CHOSE !! » finit-il par hurler dans un dernier élan de désespoir. Pourtant il se sent honteux, autant qu’il peut l’être dans la confusion de la panique et de l’angoisse. Ce n’est pas juste d’en attendre autant, mais que peut-il faire d’autre ?

Le visage ne fait que s'assombrir. A mesure que j'entends leur supplications, la rage grimpe d'un niveau. Mais je ne réagis à rien. Non, je devais tenir mon rôle. Chef de gang ne fait pas dans l'émotion. Et pourtant, au fond, j'aurais aimé supplier, qu'on les relâche, qu'on me prenne à leur place. Pleurer tout mon saoul. Mais non, rien ne sort pas ni son ni larmes. Juste une haine sans nom. J'écoute leur agresseur, mais je ne le regarde pas une fois. Non, je fixe ma chaire, mon amour avant de me détourner sur un autre point. Je finis par me racler la gorge. Je m'ennuie, tu n'as pas mieux à proposer ? Coup de poker. La réalité était que j'étais à bout, que je voulais juste voir mes indispensables en sécurité. Je te laisse encore une chance de relâcher ses deux personnes. Avant que je m'occupe de toi. Je prononce chaque mot d'un air détaché. La peur s'agite en moi. La frayeur de les voir mourir sous mes yeux. Tenir le rôle.

Il ne semble pas disposé à m'écouter, je compte jusqu'à dix et je siffle. Tout le gang sort de l'ombre. Et des renforts ayant trouvé un intêret pour s'approprier les lieux. Ce qui en soit, je m'en claque les couilles severe. Armes pointées sur l'ennemi. Et je descends tranquillement les escaliers pour arriver face à lui. Je ne perds jamais, même quand on menace .. des gens qui me sont proches. Je l'attrape à la gorge. Pieds frappant son genou droit et il grimace de douleurs. Je hausse le ton, pour me faire entendre parfaitement. Moi, Aoden Lynch, je ne me laisserais jamais une distraction m'écarter de mes responsabilité. C'est faux ; j'aurais préféré aller élever des biquettes avec Isaac. Second genou qui ploie sous ma violence. Dites leur bien à ceux qui veulent me voir chuter, ce n'est pas en usant de stratagèmes médiocres qu'on m'aura. Que je tuerais chaque personne qui sera en travers de ma route. Je reporte mon regard sur l'insecte. Je me penche jusqu'à chuchoter au creux de son oreille, lui promettant de longues heures de souffrance. Je vais tellement lui faire regretter d'avoir toucher à mes Vies. Tuez tous les tous. Ils ne méritent pas de respirer le même air qu'eux. Impossible de regarder les victimes après avoir prononcé de telles horreurs. Je n'ose même pas m'en approcher. Et je m'éloigne, remontant, ordonnant de les ramener chez eux. Je me fais même violence pour ne pas jeter un œil sur leur état. Si je le fais, je vais m'épuiser en larmes et en pardon. Tenir son rôle jusqu'au bout. Comme j'étais venu, je repars. Brisé. Peiné. En colère. Mon Paradis venait d'être fracassé. Aucun des deux ne voudra de moi dans leur Vie. Comment vais-je faire à présent ? C'est dans mon appartement, que je décide d'enquiller les bouteilles avant de retourner au QG, évacuer toute la violence que je possède, ma tristesse infligée.

FIN

Ma vie n'est que douleur et atrocité. Je ne crois plus que je hurle, mais plutôt que je gémit ou alors les "s'il vous plait" ne se sont pas arrêtés et viennent de moi ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je ferme les yeux, de toute manière, ouverts je ne vois rien, à cause de mes larmes. Le monde est flou. J'avale ma salive avec difficulté, j'ai mal. Partout. Surtout à la cuisse. Ma respiration même est laborieuse. Soudain une voix me parvient. Je m'ennuie, tu n'as pas mieux à proposer ? J'entends les sonorités, je reconnais le ton, mais les mots... ont-ils vraiment un sens ? Il me faut quelques secondes pour les mettre dans l'ordre et comprendre. J'ai envie de hurler. Il se moque de moi ? Je ne peux même pas croiser son regard derrière la barrière de mes larmes, mais je crois qu'il le vaut mieux. De toute manière, je n'ai plus l'énergie de rien.

L'agitation est aussi soudaine que bruyante et me perce les tympans. « NON. » hurlais-je avec l'énergie du désespoir quand deux mains me touchent. Je ne veux plus jamais être touchée, par personne. J'ai trop peur. Mais quelqu'un, je ne sais pas qui, je ne connais pas la voix, me parle d'une voix douce. Ils me disent qu'ils sont avec le gang, qu'ils vont me sauver. Je ne sais pas si je dois les croire. J'ai peur. Mais je sens des mains s'affairer sur mes liens. Et, quand soudain tout lâche, je sombre dans le noir.

Mon subconscient m'a sauvé, m'interdisant de voir la suite. M'interdisant de voir Aoden partir, sans un regard ou un mot pour nous. Comme si nous ne valions rien. Plus tard je me demanderai qui il est allé voir le premier, Isaac ou moi, mais la réalité est peut être pire. Et je garderai cette question pour moi à jamais. Il est venu nous sauver, c'est déjà bien suffisant. Et, petit à petit, la douleur s'arrête.

FIN