il faudrait tout oublier (hayden)

Pourquoi semblait-elle si affectée par le fait que j'ai pu avoir un mouvement de recul ? Je ne représentais rien d'autre qu'une grande amitié dans sa vie, non ? Pourtant c'était un fait : ce contact que nous eûmes m'avait perturbé. Pourquoi ressentais-je... de l'envie ? Décidément, la vie était bien plus simple à l'hôpital... Je changeais toutefois de sujet pour en revenir à notre petit jeu. Je lui demandais de me poser une question "vérité", ce à quoi elle me demanda après quelques secondes de réflexion quelle a été ma plus grosse honte, récente si possible. Riant à cette idée, je fixai le sol et réfléchissais à la réponse.

« Oh, je sais. C'était à l'hôpital, devant une infirmière super mignonne. Je n'avais pas encore retrouvé totalement l'usage de mes jambes et je me suis vautré sur elle, ce qui a dégrafé sa blouse au passage. J'étais pas très bien ! » Riais-je de bon cœur en repensant à cette anecdote.

Croisant à nouveau son regard de miel, je sentis une vague de chaleur m'emporter.

« Tu sais, je pensais à quelque chose. »

Me rapprochant lentement d'elle, sans briser le lien visuel qui nous unissait, je dégageai une mèche de devant ses yeux et la glissais derrière son oreille.

« Je ne sais pas ce qu'il se passe, si c'est notre... tenue vestimentaire qui en est à l'origine, mais... »

Ma main se posa sur sa joue et je rapprochais lentement et hypnotiquement mon visage du sien, lui demandant en m'arrêtant à quelques maigres millimètres de sa bouche.

« Je... peux ? »

Est-ce que j'étais vraiment un connard ? Ce connard ? Oui, je l'étais, et plutôt deux fois qu'une. Lena se détacha de moi alors que le visage oppressant de Jordan planait dans mon esprit. Bon sang, mais qu'avais-je fait ? La réponse était pourtant évidente : rien de moins que ce que j'avais envie de faire. Pourquoi désirais-je embrassé Lena alors que j'étais on ne peut plus heureux dans mon couple ? Peut-être parce que l'attraction pour le danger était là, menant mon cœur et mon esprit vers des quêtes déraisonnables.

« Désolé... » M'excusais-je en menant mes doigts vers mes lèvres qui avaient caressées les siennes quelques secondes plus tôt.

Lena me laissa, planté là, seul dans cette chambre tandis qu'elle s'était évaporée vers la salle-de-bain pour aller me chercher ma chemise après avoir elle-même revêtue son haut. Très bien, tant mieux, il fallait nous éloigner de cette pseudo nudité et redevenir raisonnable. Pourtant ce baiser, elle me l'avait rendu. Etait-elle perdue elle aussi, ou bien le désirait-elle ? Cette question resterait à jamais sans réponse. Il valait mieux que je n'en sache rien.

Et puis Lena revint quelques minutes plus tard, chemise à la main. Celle-ci n'était pas tout-à-fait sèche, mais qu'importe : j'attraperai la mort s'il le faut mais il fallait que je me rhabille. Pourtant elle me tendit un sweat - son sweat - afin de m'épargner un maudit rhume.

« C'est parfait. » La remerciais-je en l'enfilant, celui-ci se trouvant être pile à ma taille.

Et puis elle parla. De ce qu'il s'était passé. Elle ne voulait pas faire comme si de rien n'était, mais elle ne voulait pas me perdre.

« Moi non plus je ne le veux pas, mais sache que je suis désolé. Tout est de ma faute, je n'aurais jamais dû faire ça. Même si... même si j'en avais envie. »

Je lâchais un soupir, et repris :

« Je ne sais pas bien où j'en suis dans ma tête, je crois que le fait d'être père, même si j'en ai envie, me fait très peur. J'ai peur de n'appartenir qu'à une seule femme, parce que j'en ai jamais vraiment eu l'habitude. Excuse-moi, je dois passer pour un immonde salop à dire ça, mais je ne veux pas perdre ma liberté. 'Fin je suppose que c'est ce à quoi je suis voué, de toute manière... »

Je ne pouvais pas dire que je regrettais mon geste, et c'est ce que je lui fis comprendre : j'avais eu envie de l'embrasser.

Je n'étais pas le seul fautif, c'est vrai, mais c'était moi qui avais initié le mouvement. Je suppose que Lena ne m'aurait jamais embrassé d'elle même, j'étais le seul coupable dans cette histoire, quand bien même elle m'avait rendu mon baiser. Le seul à être allé jusqu'au point de non retour. Et je n'aurais jamais dû faire cela...

Lena se lève et se rassoit, visiblement empreint à des pensées torturées. De mon côté, je me contentais de fixer le sol, ne sachant quoi lui dire. Mais elle avait touché juste en parlant ainsi de Jordan.

« Tu as raison, je vais y aller. » Lui dis-je en me levant, avant qu'elle ne m'en empêche tout-à-coup.

S'agrippant au sweet qu'elle m'avait passé et que j'avais enfilé, elle captura à nouveau mes lèvres. Pour la dernière fois. Lorsque nos bouches se séparèrent, nous échangeâmes un long regard entendu. Ce qui venait de se passer devrait rester entre les quatre murs de cette chambre. Pourtant, j'avais une étrange impression qui me poursuivit lorsque je retirais le sweet pour enfiler ma chemise à moitié humide. Cette impression que plus qu'un dernier baiser, c'était la dernière fois que je la voyais. Était-ce justifié ? Serait-ce mieux ainsi ? Tout effacer jusqu'au lien qui nous unit ? Je ne le savais pas. Je ne le savais plus. Toute pensée rationnelle m'échappait.

Alors je pris mon sac et caressai un bref instant sa joue. Après un léger sourire endoloris je fis volte-face et quittai la chambre, descendant les marches des escaliers pour arriver au rez-de-chaussée où je fus dévisagé par ses colocataires. Leur accordant un bref signe de la main pour les saluer je sortis dehors, là où la brise fraîche venait m'arracher, moi et ma chemise mouillée, un frisson glacé. Et après un dernier coup d'œil vers sa fenêtre, je partis sans me retourner.

Pour la dernière fois...