TOMÁS › write like you're running out of time

(one) Les premières années ont été sans bouleversements, famille tranquille dans un quartier paisible. Les dessins coloraient la porte du réfrigérateur et sur un mur on pouvait lire la courbe de croissance des deux enfants heureux. Tomás d’abord, l’aîné, souriant, enjoué. Lio ensuite, de six ans sa cadette, petite fille dorée et angélique, cachant derrière ses airs de princesse un caractère plus marqué. Duo bien différent sous plusieurs aspects, mais néanmoins soudés. Il n’y avait rien d’extraordinaire chez les Bulhões, rien qui ne laissait supposer que leur vie prendrait un jour un tournant inattendu. Ils étaient comme tout le monde, transportés par la vie au gré des saisons, des hauts et des bas du quotidien. (two) C’est à l’adolescence qu’il y a commencé à en avoir, des bas. Tomás sortait un peu du cadre, testait les limites sans en avertir ses parents qui, pris au dépourvu, ne savaient pas toujours comment répondre. Attentifs à leurs enfants, ils ne voulaient que leur bien mais avaient parfois droit en retour à des remarques crues et acerbes. Adolescent dans toute sa splendeur, Tomás apprenait à répondre et cacher certaines vérités. Lorsque les notes n’étaient pas très bonnes ou quand un parent d’amis leur reprochait une bêtise ou une autre. Lorsqu’il a bu en douce son premier verre ou embrassé sa première copine. Malgré tout l’amour du monde que ses parents avaient, ils n’étaient pas prêts pour toutes les premières fois de leur fils. Il grandissait trop vite, sans aucun doute. A seize ans, quand il s’est senti attiré par un garçon de sa classe, cette fois il s’est confié tout de suite. Et le réconfort qu’il cherchait, le soutien dont il avait besoin, est exactement celui qu’il a reçu face à des parents un peu surpris, mais toujours aussi doux. Cette conversation-là, Tomás la garde précieusement en lui, comme la dernière qu’ils ont eue. (three) Ca s’est passé un soir, ou plutôt une fin d’après-midi. Il était allé jusqu'à l’école pour récupérer Lio et, sur le chemin, ils s’étaient arrêtés tous les deux pour s’acheter un snack au goût probablement trop sucré, qui leur avait laissé les papilles toutes ravies. Rires et chansons les accompagnaient jusqu’à la maison, où ils sont rentrés comme chaque autre soir de la semaine. Rien n’avait changé, mais tout était différent. La maison était silencieuse, il n’y avait aucun signe de leurs parents nulle part, ni dans la maison, ni dans le jardin. Pourtant, à cette heure-ci, ils devaient être rentrés. Les manteaux étaient accrochés, les chaussures rangées. Un début de préparation de repas était même sorti dans la cuisine. Malgré les appels répétitifs sur les téléphones portables, leurs parents n’étaient plus là. Alors après une heure ou deux à rassurer sa sœur, Tomás a contacté leurs grands-parents. Qui eux-même ont appelé la police. Les recherches ont duré des semaines, des mois, mais il n’y avait nulle part aucune trace d’eux. On a parlé d’abandon, de fuite, d’enlèvement et même de suicide. Mais les deux enfants savaient que ce n’étaient rien de tout cela. Mystérieusement, leurs parents avaient simplement disparu de la surface de la terre. (four) Les grands-parents ont pris la place d'autorité, à instaurer des règles, nourrir les enfants, prendre soin de tout le monde. Un nouveau quotidien se mettait en place, mais personne n'en voulait vraiment. Eux n'avaient plus l'âge de s'occuper d'adolescents, et les jeunes ne souhaitaient que retrouver leurs parents. Personne n'était heureux et personne n'avait de réponse. La police n'a pas continué longtemps à réfléchir au mystère, ils ne voulaient pas entendre les enfants sûrs d'eux qui parlaient de forces surnaturelles et d'esprits maléfiques. Que savaient-ils donc ? Tomás, alors, s'est vite renfermé. Garçon discret, sérieux, qui gardait un œil sur sa sœur, trop jeune pour gérer une perte aussi traumatique. Concentré sur ses études, sur ses notes, il s'est drastiquement calmé et veillait à respecter les nouvelles limites de ses grands-parents perdus. Il voulait être une aide, honorer la mémoire des êtres perdus, les rendre tous fiers. (five) Et fiers ils l'ont été. Harvard lui ouvrait ses portes en lui promettant un avenir radieux. Il savait que tout serait différent : les professeurs plus exigeants, les distances beaucoup plus grandes. Il a hésité Tomás, parce que s'éloigner autant de la Nouvelle Orléans était effrayant. Lio était encore jeune, aucune réponse n'avait été trouvée pour expliquer la disparition maintenant classée. Mais il savait aussi qu'une opportunité comme celle-ci ne viendrait pas deux fois. Il fallait se lancer, tenter sa chance, et poussé par les grands-parents, il partit vers Cambridge. Majeur en journalisme, mineur en science politique, il se forgeait une culture, une opinion, rencontrant des personnalités variées venant de tous les horizons. Principalement des fortunés, c'est vrai, mais au moins, pour la première fois depuis deux ans, il n'était pas l'enfant dont les parents étaient partis. Et peu à peu, lui aussi oubliait. Il profitait de cette opportunité pour se reconstruire, devenir qui il voulait être. Jusqu'à ce que les traumatismes de la ville ne reviennent le chercher. (six) Ils ont sans doute attendu le plus longtemps possible, pour offrir à Tomás une chance d'être un jeune étudiant l'esprit tranquille. Ils ont sans doute fait du mieux qu'ils ont pu, s'arrangeant avec une situation déjà compliquée. Lio grandissait, s'affirmait, criait. Rien n'allait, elle se sentait abandonnée, seule, puis après cette idée désastreuse, encore plus effrayée qu'elle ne l'était avant. Une rencontre avec une voyante qui s'était très mal passée, puis un refus de parler, de dire le moindre mot. C’est dans cette ambiance que Tomás dû abandonner Harvard, transférer son dossier vers la Louisiana State University. Il se rapprochait, revenait au bercail pour venir en aide aux grands-parents débordés. Et c’est une petite sœur énervée, principalement contre lui, qu’il a retrouvée. Pour la première fois il a haussé la voix à ses aînés, a exprimé son désaccord et l’horreur qu’il ressentait en voyant les proportions que tout cela avait pris. Il était hors de question qu’il reparte, qu’il laisse sa sœur seule à nouveau. Il a donc terminé ses études à la Nouvelle Orléans, gagnant un diplôme moins prestigieux, mais avec une conscience un peu plus tranquille. (seven) Diplôme en poche, c’est vers le journalisme d’investigation que Tomás se tournait. Une voie logique pour le jeune homme toujours en quête de vérité. Il savait que ça n’allait pas lui donner toutes les réponses, que ce n’était pas du jour au lendemain qu’il réussirait à percer le mystère de sa famille, mais toute cette histoire avait laissé une trace. Si l’écriture lui plaisait, c’était surtout toutes les étapes préliminaires qui le séduisaient. L’enquête, les recherches, les fouilles et les interviews. Il se prenait au goût des découvertes, se demandant même parfois s’il n’aurait pas mieux fait de devenir détective professionnel. Mais pour le bien de Lio, leur prospérité à eux, il ne voulait pas prendre de risques inutiles. (eight) Quelques mois après son premier contrat, une fois l’entrée d’argent régulière et relativement satisfaisante, Tomás réussit à faire entendre raison à leurs grands-parents. Maintenant qu’il était indépendant, il voulait prendre soin de sa sœur. Sans leur aide à eux, n’être plus que deux. Il était évident qu’il arrivait à communiquer avec elle de manière plus complice, qu’ils n’étaient réellement à l’aise qu’avec l’autre, alors ce ne fut pas bien compliqué de les faire accepter. Avec une promesse de les contacter au moindre problème, Tomás et Lio retrouvaient la maison familiale plus vide qu’elle ne l’avait jamais été. A présent ils étaient seulement deux, équipe soudée contre le monde entier. (nine) Lors d’une de ses enquêtes pour écrire un article, Tomás a fait la rencontre de Wolfgang. Jeune policier de la Nouvelle Orléans, aussi énervant que divertissant, il a commencé à le suivre un peu partout. Les questions ne s’arrêtent pas, quand ils sont ensemble Tomás le cuisine comme un petit oignon, essayant de récupérer toutes les informations possibles et inimaginables. Et le pire, c’est que cela fonctionne. Mais peu à peu les questions innocentes se transforment en flirt, et il n’est tout à fait sûr de faire ça seulement pour ses articles. (ten) Parle légèrement portugais après avoir pris quelques cours à l’université. ❊ Lio et Tomás partagent en vérité la maison avec Ghost, le chat qu’ils ont adopté, et Buster, le chien familial qu’ils ont depuis l’enfance. ❊ Il ne cuisine pas très bien, se contente surtout de faire toujours les mêmes recettes qu’il maîtrise à peu près. ❊ Adore son chat, vraiment beaucoup. Il le met d’ailleurs souvent en scène sur son compte instagram. ❊ S’il ne pense pas être doué en matière de relation, il a tendance à flirter pour avoir ce qu’il veut, notamment pour son travail. ❊ Déteste faire les courses, attend souvent qu’il n’y ait plus rien du tout dans les placards pour mettre les pieds dans un supermarché. ❊ A plusieurs tatouages sur le corps, certains ont une signification, d’autres lui sont venus sur le moment, par pure envie. ❊ Porte des lunettes les lendemains de soirée ou quand il travaille trop longtemps sur écran.